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Les messages WhatsApp envoyés avec un téléphone professionnel ont un caractère professionnel

Les messages WhatsApp envoyés avec un téléphone professionnel ont un caractère professionnel

Dans la droite ligne de la jurisprudence de la cour de cassation, la cour d’appel de Paris a étendu la présomption du caractère professionnel aux messages WhatsApp envoyés par un salarié depuis son téléphone professionnel. (1)

Dans sa décision en date du 20 avril 2023, la cour d’appel de Paris a décidé que, dans la mesure où l’installation et l’utilisation du service Whatsapp ne sont pas subordonnés à l’utilisation d’une adresse email personnelle, mais seulement à un numéro de téléphone, en l’occurrence, le numéro correspondant au téléphone professionnel d’un salarié, il convenait d’appliquer par analogie la présomption du caractère professionnel des communications par SMS retenue par la cour de cassation.

Dans son arrêt du 10 février 2015, la cour de cassation avait en effet jugé que “les messages écrits, “short message service” (SMS), envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.” (2)

Ces décisions font suite à une jurisprudence désormais bien établie selon laquelle les documents et messages créés et échangés par un salarié au moyen d’un appareil mis à sa disposition par son employeur (ordinateur, téléphone, tablette) sont présumés avoir un caractère professionnel.

Dès 2006, la cour de cassation avait jugé, concernant des fichiers stockés sur un ordinateur professionnel, que “les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.” (3) Cette présomption de caractère professionnel a même été étendue à la clé USB personnelle d’un salarié, connectée à son ordinateur professionnel. (4)

Ces différentes décisions ont été jugées dans des affaires opposant des employeurs à d’anciens salariés poursuivis notamment pour suspicion de concurrence déloyale, ou vol de documents ou de secrets d’affaires de l’entreprise, la preuve des faits ayant été obtenue, au moins en partie, suite à l’accès par l’employeur à des documents ou des communications figurant sur les appareils mis à leur disposition par leur employeur, non identifiés comme étant personnels. Comme rappelé par les juges, l’employeur peut librement avoir accès aux contenus des appareils professionnels mis à la disposition de leurs salariés, à l’exception des contenus stockés dans des dossiers identifiés comme personnels. Ces contenus (documents, emails, SMS, messages Whatsapp) peuvent donc être valablement produits en justice par l’employeur, un tel mode de preuve ne constituant pas un procédé déloyal.

Par ailleurs, l’employeur doit respecter la vie privée et le secret des correspondances privées du salarié. Il ne pourra accéder aux documents et messages du salarié, identifiés comme personnels, que sous certaines conditions : en sa présence ou après l’avoir invité à être présent, ou en l’absence du salarié en cas de risque particulier pour l’entreprise, auquel cas il est fortement conseillé de faire constater l’accès aux contenus personnels par un commissaire de justice (huissier de justice). L’accès aux documents et messages du salarié, identifiés comme personnels est en outre autorisé en cas d’enquête judiciaire (par exemple, si le salarié est accusé de vol de secrets de l’entreprise) ou si l’employeur a obtenu une décision d’un juge l’autorisant à accéder à ces messages.


    En conclusion, à une époque où la frontière entre les sphères personnelle et professionnelle devient poreuse, et où certains utilisent même leurs propres appareils pour des tâches professionnelles, il est nécessaire de rappeler les bonnes pratiques à adopter pour séparer les documents et messages professionnels de ceux à caractère privé. Les documents privés seront stockés dans des dossiers identifiés “Personnel” ou “Privé” (la mention “Mes documents” est insuffisante pour désigner des documents personnels) ; quant aux messages personnels, que ce soient des emails, du chat, des sms ou des messages via Whatsapp (ou services similaires), il convient soit de les identifier comme étant personnels ou privés, soit d’utiliser ses ordinateurs et téléphones personnels.

Il est donc conseillé aux employeurs d’avoir des chartes informatiques (ou chartes technologiques) non seulement à jour, mais également effectivement communiquées aux salariés.

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(1) CA Paris, Pôle 1 ch. 2, arrêt du 20 avril 2023, Coffim Auvergne Rhône Alpes c. MM W, X, Y, Z et Kaufman & Broad

(2) Cass. com., 10 février 2015, n°13-14.779, GFI Securities Ltd c. Newedge Group

(3) Cass. soc., 18 octobre 2006, n°04-48.025, M. Le X. c. Techni-Soft

(4) Cass. soc., 12 février 2013, n°11-28.649, Mme. X. c. PBS

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Octobre 2023